Conséquences des fentes labio-palatines au niveau de la phonation et du langage

Dans les fentes isolées, il n’y a normalement pas de conséquence sur l’aspect morpho-syntaxique du langage. En 1996, Montoya et Baylon montrent que les patients porteurs de fente ne sont en effet pas plus sujets à un retard de parole ou de langage que les autres, sans fente. En revanche, on constate fréquemment des conséquences au niveau de la phonation.

En effet, c’est l’action conjointe des muscles du voile du palais et de la paroi pharyngée qui va créer le sphincter et permettre un isolement entre le rhinopharynx et l’oro-pharynx. Cet isolement des cavités est essentiel pour la déglutition et la phonation. Ainsi, le dysfonctionnement du voile du palais et du sphincter vélo-pharyngé aura des conséquences sur celles-ci.

Le tableau ci-dessous présente les différents troubles phonétiques propres aux divisions palatines (d’après Estienne, Deggouj, Derue et Vander Linden, 2004 ; Talandier, Pavy et Majoureau, 2003) :

Déperdition nasale (DN) Fuite d’air par le nez durant la phonation, pouvant entraîner une insuffisance articulatoire, elle est objectivée par l’examen au miroir de Glätzel ou à l’aérophonoscope. À ne pas confondre avec le nasonnement, qualifiant la modification du timbre de la voix due à la DN.
Coup de glotte Accolement brutal des cordes vocales, c’est un moyen de compensation lors de la production des occlusives.
Souffle rauque Souffle postérieur remplaçant les fricatives. Il s’agit également d’un moyen de compensation.
Ronflement nasal Vibration de la muqueuse de la zone qui sépare les deux cavités lors de la production des consonnes orales. Il se manifeste par un bruit disgracieux.

Par ailleurs, afin d’évaluer la qualité de la phonation et de la parole S. Borel-Maisonny a créé la classification suivante :

Phonation I « Le sujet parle normalement, sans nasalité audible ou décelable au miroir, par fermeture vélopharyngée normale. » (Borel-Maisonny, 1975) La phonation est normale, la fermeture du voile du palais est bonne, il n’y a aucune DN, et le patient est intelligible.
Phonation II Insuffisance vélaire. On remarque la présence permanente d’un nasonnement (marqueur d’une rhinolalie ouverte) et d’une DN. La phonation II est divisible en deux catégories :
Phonation II B (B pour Bonne), légère DN qui se caractérise par un timbre légèrement nasonné, le patient conservant toutefois son intelligibilité ;
Phonation II M (M pour Mauvaise), DN massive : l’intelligibilité du patient est altérée, et la parole est polluée par de nombreuses substitutions phonémiques (souffle nasal sur les consonnes occlusives et ronflement nasal sur les constrictives), les sons de la parole sont tous nasalisés.
Phonation III Lorsque le patient est en phonation III, on peut observer une importante DN, avec des bruits surajoutés qui sont en fait des moyens de compensation (coups de glotte touchant les occlusives, souffle rauque touchant les constrictives, claquements de langue).
Autres types de phonation (Thibault, 1999) Phonation I-II : La parole est correcte à l’oreille, mais on perçoit occasionnellement des fuites sur certains phonèmes.
Phonation I-III : Concerne les patients qui étaient en phonation III, et qui, après la rééducation orthophonique et/ou la pharyngoplastie, présentent encore des moyens de compensation sur certains phonèmes. (Le voile du palais est fonctionnel mais il existe des bruits surajoutés sur certains phonèmes. Intelligibilité perturbée.)
Phonation II-I : L’intelligibilité n’est pas perturbée. La DN est présente, sauf sur certains phonèmes où le voile du palais peut fermer.

La classification de la phonation de S. Borel-Maisonny n’est pas universelle. Les anglo-saxons disposent des échelles suivantes pour évaluer la phonation et le degré de sévérité de l’insuffisance vélaire (Kadlub et al., 2017) :

–    la PWSS (Pittsburgh Weighted Speech Scale) est une échelle utilisée aux États-Unis consistant en une méthode standardisée d’évaluation auditive-perceptuelle ; le score noté de 0 à 7 précise le degré d’insuffisance vélopharyngée ;

–    le CAPS (Cleft Audit Protocol for Speech-Augmented) est une échelle utilisée au Royaume-Uni ; ici, quatre critères sont pris en compte (intelligibilité, nasalité, compensations et syncinésies, voix) avec l’attribution d’un code couleurs.

On parlera d’insuffisance vélo-pharyngée (IVP) pour désigner cette incapacité du voile du palais à se fermer avec la paroi postérieure du pharynx. D’après De Buys-Roessingh et al. (2002), l’IVP peut être d’origine organique (l’IVP entre dans le cadre d’une séquelle de fente ou d’un syndrome incluant une fente), neurologique, fonctionnelle (le voile du palais est atone, par exemple), ou iatrogène (à la suite d’une amygdalectomie, la cicatrice se rétracte, entraînant une IVP).