Prise en soin orthophonique en libéral

L’insuffisance vélo-pharyngée étant le trouble spécifique de la fente labio-palatine c’est lui qui est au premier plan de la prise en soin en orthophonie libérale, lorsqu’elle a lieu. Bien sûr, d’autres troubles associés peuvent être présents et appartenir au champ de compétence de l’orthophoniste.

La déperdition nasale audible, principale conséquence de ce dysfonctionnement, est préjudiciable lors de l’articulation des sons de la parole. Ainsi, le but principal de la rééducation orthophonique pour un patient porteur de fente labio-palatine est de retrouver une phonation de type I.

La prise en soin peut commencer dès l’âge de 2 ans et demi lorsque l’on constate que l’enfant ne sait pas souffler et qu’une déperdition nasale est présente ou que le langage semble avoir du mal à se développer.

Il est bon de demander aux parents qu’ils assistent de temps en temps à des séances pour leur montrer ce qu’il faudra reprendre quotidiennement à la maison.

La guidance parentale

Il est important d’impliquer les parents dans la rééducation de leur enfant porteur de fente, puisqu’ils sont des partenaires essentiels dans l’éducation et la rééducation, qui se réalise conjointement avec l’orthophoniste.

La guidance parentale est l’occasion d’établir une relation de confiance entre les parents et l’orthophoniste (recevant l’enfant à l’hôpital ou en cabinet libéral) et de favoriser l’échange grâce à une dynamique générale. L’orthophoniste a d’abord un rôle d’écoute, de prévention et de guidance auprès des parents.

Chaque enfant étant unique, et de surcroît présentant une fente unique, c’est l’orthophoniste qui mènera les parents sur le chemin de la rééducation, en leur indiquant la marche à suivre avec leur enfant, et les exercices recommandés seront adaptés au type de fente.

Ces moments de guidance seront notamment l’occasion de réexpliquer le rôle du voile du palais dans la respiration, la déglutition, l’audition et la phonation à l’aide de schémas (cf. fiches imprimables). Il est également important d’aborder très tôt la nécessité des exercices de souffle et d’aspiration en expliquant et montrant ceux qui sont possibles à réaliser très précocement (souffler sur les aliments, aspirer à la paille et dans les compotes à boire, chanter pour la perception des résonateurs).

Le bilan

Le patient sera adressé à un orthophoniste exerçant en cabinet libéral lors d’une suspicion de trouble d’articulation et/ou de parole. Bien que les patients soient régulièrement suivis par les équipes hospitalières, l’orthophoniste qui les recevra pour la prise en soin doit impérativement faire un bilan complet. Ce bilan consiste en une anamnèse, un bilan de phonation et d’articulation lié à un bilan de langage oral (Estienne et al., 2004). À la suite de ce bilan, l’orthophoniste jugera de la nécessité d’une prise en soin ou non.

Le bilan de phonation et d’articulation (à partir de 3 ans)

Adaptation du bilan présenté sur http://aerophonoscope.free.fr/ (Marie-Eve Lendre), pour des orthophonistes ne disposant pas de l’aérophonoscope ou d’un nasomètre.

Matériel :

  • Miroir de Glätzel (ou miroir incassable en acier inoxydable)
  • Fiche « Bilan de phonation » et fiche « Explication » (voir dans l’onglet fiches imprimables)

La fiche « Bilan de phonation » comporte différentes épreuves permettant de déterminer si le patient présente une insuffisance vélopharyngée et, si oui, d’en préciser l’importance et l’étiologie.

La fiche « Explication » vous guidera pour l’analyse des résultats de chaque épreuve du bilan.

La rééducation

Le travail du voile

Jeux de souffle (et d’aspiration !)

Il faut travailler l’intensité, la durée et l’orientation du souffle en prenant garde à la lassitude de l’enfant et en étant donc toujours plus imaginatif !

Le travail du voile passe principalement par des jeux de souffle qui sont aisés à reprendre à la maison.

Exemples :

  • souffler sur les aliments chauds (facile à mettre en place au quotidien)
  • faire vaciller puis éteindre une bougie
  • souffler sur des objets légers tels que des plumes, des boules de cotillons, des petits bouts de papier, des balles de ping-pong,
  • faire des bulles de savon,
  • faire des parcours de souffle,
  • souffler et boire avec une paille
  • souffler dans des instruments à vent
  • faire un foot en souffle avec une balle de ping-pong.
  • inventer une histoire dans laquelle les instruments jouent un rôle (le gentil berger (flûte) rassemble ses moutons au son de son instrument préféré (flûte) mais un jour le loup (harmonica grave…)
  • utiliser des images mentales (je suis le vent, je souffle pour faire tomber les feuilles des arbres)

Ces exercices de souffle doivent être continués jusqu’à ce que l’enfant contrôle parfaitement la direction et l’intensité de son souffle.

Le stretching de la bouche

On fera des exercices avec le miroir de GLÄTZEL en demandant au patient de produire alternativement [a- an] [o- on] [é- in], et en lui montrant les traces de buée produites par le nez.

On n’oubliera pas de lui faire prendre conscience de la différence entre le souffle nasal et le souffle buccal. Il est nécessaire d’insister sur l’importance du mouchage (bien que les enfants porteurs de fentes sachent en général très bien se moucher).

On demandera l’émission d’onomatopées ou cris d’animaux en utilisant plus particulièrement les phonèmes postérieurs : cocorico, cuicui, cric, crac, grrr, glong, couac, ding-dong, ouk, ouk etc.

Par ailleurs, imiter le cri du tigre (« rrr » guttural), fait travailler une grande partie des muscles vélaires. Pour les plus grands, on peut aussi faire faire des gargarismes.

L’articulation et les praxies bucco-faciales

L’articulation

Refaire le point sur les habitudes de succion.

Dans tous les cas le trouble articulatoire nécessite un changement de schéma articulatoire et la conscientisation du geste (entendre, voir, ressentir).

Il existe des troubles articulatoires spécifiques aux fentes (= mécanismes de substitution ou de compensation) :

  • Le coup de glotte : mécanisme de substitution sur les occlusives avec une fermeture brusque de la glotte, le bruit est provoqué par l’ouverture brusque des cordes vocales qui laissent s’échapper l’air.
  • Le souffle rauque (surtout sur les fricatives) : l’air passe en sifflant entre les cordes vocales qui sont très rapprochées, le souffle rauque se substitue à la consonne. C’est une souffle postérieur pharyngal qui peut ressembler à une voix ventriculaire.

Pour la rééducation des troubles articulatoires, il est nécessaire de leur faire prendre conscience de la trajectoire de l’air (différence souffle nasal / souffle buccal), grâce à un chuchotement doux et prolongé des constrictives (f, v, s, z, ch, j) ou encore par des productions très douces des occlusives, en sentant le souffle sur le dos de la main.

Il faut cibler les phonèmes perturbés par l’insuffisance vélaire et ne pas oublier qu’au départ on doit obtenir un mouvement et non un son.

  • Exemple pour le [p] : on demandera des petits mouvements d’ouverture et fermeture labiales auxquels on ajoutera du souffle. On obtiendra alors une petite explosion. On y associera ensuite la voyelle [a] en finale ou en initiale selon les patients. On demandera aussi de gonfler les joues puis de les relâcher. Il faut parfois aider le patient en lui bouchant le nez.

Le principe est le même pour mettre en place toutes les occlusives, y compris pour supprimer les coups de glotte (et le souffle rauque).

Pour les constrictives, on procède de la même façon que pour un montage articulatoire ordinaire en faisant toujours prendre conscience du souffle qui accompagne ces phonèmes.

On peut parfois être amené à enregistrer le patient pour qu’il prenne conscience de son trouble.

Les praxies bucco-faciales

En cas d’hypotonie bucco-faciale engendrant une fermeture buccale peu efficace, il est nécessaire de mettre en place un travail des praxies bucco-linguo-faciales :

  • Praxies labiales : baiser, i/o/i/o, imiter le poisson (bulles avec mini-explosion des lèvres sur le son /b/)…
  • Praxies linguales : tirer la langue, faire les sabots du cheval (claquer la langue au palais)…
  • Praxies jugales : gonfler les joues, siffler..